Qualité sonore - 9
Fonctionnalités / Fabrication - 7.5
Rapport Qualité/Prix - 7.5
POUR
La qualité de fabrication générale, le clavier FATAR vraiment agréable, la présence d'un pupitre et support additionnel, les nombreuses fonctionnalités intégrées
CONTRE
L'absence d'aftertouch polyphonique, l'absence de CV/Gate
Arturia, ce n’est pas qu’une marque de plugins ou de synthés — c’est aussi une marque qui propose toute une gamme de claviers maîtres MIDI, allant des petits Keystep ultra-compacts jusqu’aux KeyLab Essential, que j’avais déjà eu l’occasion de tester ici sur le site.
Mais il existe aussi une catégorie un peu plus sérieuse, plus haut de gamme, pensée pour les musiciens qui veulent un vrai clavier de contrôle, complet, bien construit, avec une vraie sensation de jeu.
C’est dans cette logique qu’arrive le tout nouveau KeyLab 88 Mk3, un clavier maître 88 touches qui veut clairement s’imposer comme le point central de votre (home) studio en termes de contrôle MIDI.
Sur le papier, ça coche pas mal de cases, mais qu’est-ce que ça donne en pratique ? C’est ce qu’on va voir ensemble dans ce test.

Premières impressions & Qualité de fabrication
Avant même d’ouvrir le carton, on comprend que le KeyLab 88 mk3 ne joue pas dans la même cour que les claviers maîtres plus simples de la marque : le carton est énorme, et surtout très lourd.
Le clavier pèse plus de 15 kg (15,7 pour être exact), ce qui en dit long sur ce qu’on s’apprête à déballer.
Ceci dit, Arturia a fait les choses bien : tout est bien calé, le clavier est parfaitement protégé, les accessoires sont rangés comme il faut, rien ne bouge à l’intérieur. On sent que l’ensemble a été pensé pour éviter la mauvaise surprise à l’arrivée.
Dans la boîte, on retrouve donc :
- Le clavier lui-même
- Un pupitre pour partitions ou tablette
- Un support amovible pour poser un ordinateur portable ou un contrôleur
- Le câble USB
- Et bien sûr, quelques papiers, dont les licences pour les logiciels fournis
À noter que le clavier est par défaut alimenté via USB, ce qui est toujours pratique pour alléger le setup. Cela dit, une alimentation secteur est aussi possible, notamment si vous l’utilisez en MIDI autonome. À ce prix-là, j’aurais apprécié que l’adaptateur secteur soit intégré ou au moins fourni d’office, mais ce n’est pas le cas.
La version que j’ai en test est la version noire, comme vous pouvez le voir sur les photos. Et franchement, c’est un très bel objet.
Le design est moderne, sobre, avec une finition élégante. Les flancs en bois ajoutent une petite touche “studio haut de gamme”, même si la finition est un peu plastifiée.
Du côté de la fabrication, tout est solide. Le châssis métallique inspire confiance, les boutons ont un bon retour, les potards sont bien ancrés, rien ne fait “cheap”. On est clairement dans du haut de gamme. Tout est bien ajusté, bien usiné, rien ne dépasse, rien ne cliquette. On sent qu’Arturia a voulu soigner son produit phare, et sur ce point, c’est réussi.
En résumé : c’est lourd, c’est beau, c’est bien construit. Ce n’est pas donné, certes, mais la qualité de fabrication est au rendez-vous, et ça se voit dès la première prise en main.
Un clavier maître haut de gamme
Avant de parler de toutes les fonctions avancées qu’Arturia a ajoutées à ce modèle, il faut rappeler une chose : quand on achète un clavier maître, on veut d’abord… un clavier. Et c’est souvent ce critère-là – le toucher, les sensations de jeu – qui fait toute la différence. Sur ce point, le KeyLab 88 mk3 tient clairement son rang.
Le cœur de la machine, c’est un clavier Fatar TP/110 : un 88 touches avec aftertouch. La sensation est vraiment agréable, avec un touché lourd, très proche de celui d’un piano acoustique. Ceux qui viennent du classique ou qui aiment jouer avec de la dynamique vont apprécier. Le contrôle est précis, la réponse est naturelle. On sent qu’on peut vraiment jouer.
Petit bémol : l’aftertouch n’est pas polyphonique, ce qui est un peu dommage sur un modèle de cette gamme. Ça aurait été une belle évolution par rapport à la mk2, surtout à une époque où de plus en plus de claviers haut de gamme proposent cette fonctionnalité. Cela dit, l’aftertouch global est bien implémenté et reste intéressant pour l’expressivité.
(autre façon de voir le truc : ce n’est pas parce que l’aftertouch polyphonique est à la mode que tout le monde en a besoin).
À l’arrière, on trouve quatre entrées pour pédales, ce qui offre pas mal de souplesse selon votre setup : pédale de sustain, pédale d’expression, et deux entrées supplémentaires assignables selon vos besoins. C’est un ensemble de connectiques qu’on ne voit pas toujours sur les claviers maîtres plus compacts, et ça fait partie des détails qui confirment qu’on est sur du matériel destiné à un usage exigeant.
Côté MIDI, on a les classiques MIDI In et Out, ce qui permet une utilisation aussi bien avec un ordinateur qu’en standalone dans un setup plus large.
Les molettes de pitch bend et de modulation sont situées en haut à gauche, au-dessus du clavier. Personnellement, j’aurais préféré qu’elles soient sur le côté, comme sur beaucoup d’autres claviers, car il faut un peu lever la main pour les atteindre. Cela dit, c’est totalement utilisable, et je m’y suis fait assez vite (d’autant que sur mon MiniLab 3, c’est déjà le cas, donc je ne suis pas dépaysé).
Et bien sûr, on retrouve les boutons de transposition d’octave, même si avec 88 touches sous les doigts, on a déjà une belle étendue pour jouer sans jamais manquer de notes. Mais si vous avez besoin d’aller chercher des extrêmes dans vos instruments virtuels, c’est toujours là, accessible en un clic.
De nombreuses fonctionnalités
Le KeyLab 88 mk3, ce n’est pas juste un bon clavier.
C’est aussi un contrôleur MIDI complet, pensé pour s’intégrer dans un setup moderne et s’adapter à des usages variés : production, live, composition… Arturia a vraiment soigné l’aspect fonctionnel, et ça se voit dès les premières minutes d’utilisation.

Pads
On retrouve 12 pads tactiles bien larges, disposés sur la gauche du clavier. Ils sont agréables au toucher, avec une surface douce et une bonne sensibilité. Clairement, on peut taper dessus pour jouer des beats ou déclencher des samples sans se poser de question.
Les 4 banks de pads, sélectionnables d’un simple clic, permettent d’étendre leur usage facilement. Que ce soit pour piloter basiquement une drum machine virtuelle, faire du finger drumming endiablé ou déclencher des clips dans un DAW, on a de quoi faire.
Potentiomètres & faders
Le KeyLab 88 mk3 embarque aussi une belle série de contrôles physiques :
- 9 faders, au toucher fluide et précis. La résistance est juste comme il faut, tout est nickel de ce côté ;
- 9 encodeurs rotatifs, là aussi bien finis. Ils m’ont semblé un peu durs lors des premières manipulations, mais ça s’est vite atténué. Sans doute une graisse interne qui demande à être un peu “rodée”. En tout cas, aucun problème à signaler, c’est solide et fiable.
Évidemment, tout est assignable : faders, potards, pads… via le logiciel MIDI Control Center d’Arturia. Ça permet de se créer des configurations sur mesure selon vos besoins, que ce soit pour piloter votre DAW, contrôler un synthé logiciel ou envoyer des message MIDI CC à d’autres appareils.
Enfin, on notera que les potentiomètres et les faders sont tous “touch-sensitive”, c’est-à-dire qu’on peut les sélectionner simplement en les touchant, ce qui permet par exemple de voir précisément la valeur d’un paramètre ou bien à quoi il est affecté si vous utilisez les plugins Arturia, le tout sans avoir à le manipuler. Pratique en live pour éviter les erreurs !
Split
Autre fonctionnalité intéressante : la possibilité de splitter le clavier. On peut donc découper les 88 touches en deux zones, pour piloter deux instruments différents en même temps. Très pratique si vous utilisez un son de basse à gauche et un lead à droite, par exemple.
Alors oui, j’aurais bien aimé un petit repère lumineux pour indiquer la zone de split, mais ce n’est pas indispensable non plus – surtout si vous êtes à l’aise avec votre config.
Le split peut se gérer depuis un logiciel Arturia (comme Analog Lab, qui communique bien avec le KeyLab), mais aussi entièrement manuellement : via les petits boutons présents sur le clavier, on définit la zone, le canal MIDI, et on peut même sortir cette info via le MIDI Out vers un autre instrument.

Écran
Au centre du clavier, on trouve un écran couleur de taille correcte (3,5 pouces), qui centralise toutes les infos utiles. Dès qu’on touche un pad, un potard ou un fader, l’écran affiche une info claire : vélocité, valeur du paramètre, nom du preset, etc. Du coup, on sait toujours ce qu’on fait, ce qui est vraiment rassurant, surtout en live ou en configuration complexe.
C’est également à partir de cet écran qu’on peut naviguer dans les réglages du clavier, modifier les presets, gérer les splits, les mappings… tout est là, bien pensé. Et si vous utilisez les logiciels Arturia, l’écran affiche aussi des infos contextuelles sur les instruments virtuels utilisés – c’est un petit plus qui rendra l’expérience plus agréable, notamment dans Analog Lab. On en reparlera dans un instant.
Autres fonctionnalités
Enfin, on trouve quelques fonctions bienvenues qui viennent compléter l’ensemble :
- Hold, pour maintenir une note ou un accord sans garder les doigts dessus.
- Chord, qui permet de jouer un accord en appuyant sur une seule touche.
- Scale, pour limiter le clavier à une gamme donnée et éviter les fausses notes.
- Et bien sûr un arpeggiateur intégré, assez complet, parfait pour créer des motifs rythmiques rapidement.
Ces fonctions peuvent peut-être donner l’impression à certains lecteurs que ce sont des “gadgets”, mais elles sont vraiment pratiques, que ce soit pour gagner du temps en production, pour simplifier l’improvisation en live, ou même pour éviter les fausses notes quand on débute au clavier.
Intégration
Un clavier maître comme le KeyLab 88 Mk3 a pour vocation d’être le centre névralgique d’un studio ou home studio et donc de s’intégrer à la voix sur le plan du hardware et du software.
Intégration hardware
Et à ce niveau-là, Arturia a clairement bossé pour que le clavier trouve facilement sa place, que ce soit sur un bureau de home-studiste ou dans un setup plus professionnel.
Le design inspire confiance, la construction est sérieuse, et la connectique de base est bien là pour une intégration standard : sortie MIDI DIN, port USB-C, pédales, alimentation externe pour une utilisation en standalone, etc.

Mais honnêtement, j’aurais aimé qu’Arturia pousse un peu plus loin l’intégration matérielle. Deux exemples :
- Pas de double sortie MIDI DIN : Si vous voulez splitter le clavier en deux zones pour contrôler deux machines distinctes en MIDI DIN (genre un synthé en haut et un autre en bas), vous serez obligé d’ajouter un boîtier MIDI Thru ou une interface externe. C’est faisable, mais ça casse un peu le côté “hub central”.
- Disparition du CV/Gate : Là c’est plus regrettable. Le KeyLab 88 Mk2 proposait des sorties CV/Gate pour dialoguer avec des synthés modulaires ou semi-modulaires. Ici, plus rien.
C’est compréhensible dans une logique de simplification, mais franchement… sur un clavier haut de gamme qui se veut le cœur d’un setup, c’est une vraie perte. Même si le public concerné est plus réduit (ceux qui jouent avec des synthétiseurs modulaires, ou qui ont monté un petit Moog Mavis en DIY, par exemple), c’est le genre de détail qui fait toute la différence pour un setup hybride.
Alors oui, Arturia propose d’autres produits avec du CV, mais ici, ça aurait eu du sens. D’autant plus que ce type de sortie ne gêne en rien les autres utilisateurs.
Intégration software
Côté software, par contre, le KeyLab 88 Mk3 coche toutes les cases ou presque.
Si vous utilisez les plugins Arturia (ce qui est probable si vous achetez un KeyLab), vous allez adorer l’intégration. Testé ici sur Ableton Live et Studio One, tout fonctionne de manière fluide :
- Les plugins comme Analog Lab, Pigments ou Mini V s’affichent directement sur l’écran du clavier.
- Vous pouvez naviguer entre les presets sans toucher la souris.
- Les contrôles sont bien assignés, et le côté “touch-sensitive” prend tout son sens : poser le doigt suffit pour voir ce qu’on contrôle.
Sur certains DAWs comme Live, Logic, FL Studio, Cubase ou Bitwig, Arturia va encore plus loin avec une intégration DAW avancée.
Dans Live, par exemple, vous pouvez :
- Déclencher des clips avec les pads ;
- Armer, muter ou solo des pistes ;
- Naviguer dans la session ;
- etc.
Il faut un petit temps d’adaptation si vous n’avez pas l’habitude, mais ça peut être très utile, notamment en live ou dans un setup beatmaking.
Sur les autres DAWs, comme Studio One, on revient à une intégration plus classique via le protocole Mackie Control.
Pas d’interfaçage poussé dans ce cas là, mais toutes les fonctions de transport fonctionnent sans problème, et on peut bien sûr envoyer toutes sortes de signaux MIDI CC, ce qui reste largement suffisant pour piloter un enregistrement ou un mix de base depuis le clavier.
En conclusion
Avec le KeyLab 88 Mk3, Arturia signe un clavier maître très complet, taillé pour devenir le pilier d’un setup home studio ou d’un studio pro. Entre la qualité de fabrication, l’ergonomie bien pensée, l’intégration logicielle exemplaire (surtout avec l’écosystème Arturia) et les touches Fatar à la fois agréables et expressives, on sent que le produit a été mûrement réfléchi.
Cela dit, tout n’est pas parfait. Certains choix étonnent, comme la disparition du CV/Gate par rapport à la version précédente, ou l’absence d’aftertouch polyphonique.
Cependant, soyons clairs : si c’est dommage sur un clavier qui vise clairement les utilisateurs avancés, je ne trouve pas ça rédhibitoire parce que ça ne sera pas non plus un frein à la créativité. Dit différemment : oui il manque quelques trucs, mais ça reste un super clavier !
Au final, si vous cherchez un clavier 88 touches solide, moderne, bien intégré à votre DAW et à vos instruments virtuels, le KeyLab 88 Mk3 est clairement un candidat sérieux.
