Dithering : Tout ce qu’il Faut Savoir

Rares celles et ceux qui prennent le temps de se pencher sur le sujet du dithering.

J’aurais du mal à leur en tenir rigueur : en effet, s’il s’agit de la dernière étape des traitements effectués lors du mastering, elle n’est clairement pas la plus passionnante.

La plupart d’entre nous ajoutent du dithering parce qu’on leur a dit de le faire. Et c’est tout.

Alors si vous avez déjà lu cette page jusqu’ici, félicitations 🙂 — c’est que vous êtes vraiment motivé(e) à en savoir plus sur le sujet.

Et rassurez-vous, cet article ne va pas être une thèse technique sur le dithering (ça existe), mais simplement un aperçu suffisamment complet pour que vous compreniez à quoi ça sert et comment l’utiliser.

C’est parti…

Notion de résolution en bits

Commençons par regarder ce à quoi ressemble un signal numérique (ça sera peut-être un rappel pour certains d’entre vous).

Dans l’univers digital — donc celui de votre PC et de votre DAW par exemple — un signal audio est composé de 0 et de 1.

C’est pour cela qu’on parle de “signal numérique”, par rapport aux signaux analogiques du monde physique.

Cela veut dire que si l’on prend une courbe sinusoïdale comme ceci :

Forme d'onde sinusoïdale

et que l’on zoome, on obtient quelque chose comme ça :

Échantillons d'une onde sonore

Vous voyez ces points ?

Eh bien, il s’agit des échantillons (samples en anglais) de votre signal.

L’échelle horizontale correspond au temps qui s’écoule. Par seconde, il y a autant de points-échantillons que la fréquence d’échantillonnage du signal.

Par exemple, sur un CD, l’échantillonnage est à 44100 Hz : on a donc 44100 échantillons par seconde.

L’échelle verticale, elle, correspond à la valeur des échantillons. Plus la résolution en bits est élevée, plus il y a de valeurs possibles.

Donc, plus la plage dynamique de signal pouvant être représentée est grande :

  • 1 bit = 2 valeurs possibles, 0 ou 1 ;
  • 2 bits = 4 valeurs possibles ;
  • 16 bits = 65 536 valeurs possibles ;
  • 24 bits = 16 777 216 valeurs possibles ;
  • etc.

Le fait est que suivant le support, on ne va pas retrouver la même résolution.

Typiquement, dans votre DAW, vous traitez probablement des pistes enregistrées en 24 bits.

Mais vos effets travaillent en 64 bits.

Et in fine, les CDs que vous allez produire sont en 16 bits.

Et là, il va y avoir un problème…

Réduction de la résolution en bits = problème

Imaginons que vous ayez un signal simple enregistré en 24 bits.

Par exemple, une onde sinusoïdale à 1 kHz.

Si l’on regarde le spectre de fréquences correspondant, on retrouve une jolie fréquence fondamentale avec un bruit de fond extrêmement bas (le noise floor).

Onde sinusoïdale en 24 bits

Jusqu’ici, tout va bien.

Imaginons maintenant que vous souhaitiez convertir ce signal en 16 bits.

Pour ce faire, on va par exemple tronquer le signal en retirant les bits les moins importants.

Problème : en faisant cela, on génère ce que l’on appelle des erreurs de quantification, qui vont se traduire :

  • en distorsion harmonique ;
  • en un bruit de fond additionnel et d’amplitude variable.

Le tout se comportant de façon relativement imprédictible en termes de répartition fréquentielle.

Si on regarde le spectre de fréquences de notre enregistrement converti en 16 bits, on obtiendra donc ceci :

Bruit de quantification lors de la conversion du signal en 16 bits

Pas terrible : la distorsion est partout (regardez les harmoniques apparues à 3 et 5 kHz par exemple) et il y a un bruit de fond qui n’est pas du tout homogène.

C’est donc ce problème de quantification que l’on va essayer de traiter avec le dithering.

Le dithering, c’est quoi ?

Pour pallier les problèmes de conversion inhérents à la réduction de la résolution d’un fichier audio, on utilise le dithering.

Cela consiste à ajouter au signal de base un bruit continu à un niveau très faible voire inaudible.

Ce bruit a la particularité d’être complètement aléatoire, donc non répétitif.

Il peut par exemple ressembler à ça :

Bruit de dithering

Certes, cela peut vous paraître contre-intuitif que d’ajouter du bruit à votre master : après tout, on cherche souvent à avoir le bruit de fond le plus faible possible.

Mais regardez ce qu’il se passe lorsqu’on ajoute ce bruit de dithering à notre sinusoïde convertie en 16 bits :

Impact du dithering sur un signal dont la résolution a été réduite

Sur le graphique ci-dessus :

  • la courbe bleue correspond à notre signal converti en 16 bits avec dithering ;
  • et en-dessous vous pouvez distinguer la courbe orange que l’on a vue tout à l’heure, et qui correspond au même signal converti mais sans dithering.

Comme vous pouvez le voir, le dithering permet d’éliminer la distorsion, mais en contrepartie on obtient bien sûr un bruit de fond plus élevé.

Ceci dit, ce bruit de fond est quasi inaudible : on est en-dessous de -120 dBFS. Et puis, mieux vaut avoir un bruit de fond doux et homogène que le bruit de fond créé par la réduction de résolution, beaucoup moins agréable à l’oreille.

Enfin, il est à noter que le niveau du dithering influe bien sûr sur sa capacité à corriger la totalité ou non des problèmes de quantification.

Remarque : le dithering peut même aider à récupérer un signal correct lorsque la réduction de résolution est extrême.

Par exemple, avec le dithering, il sera possible d’entendre une sinusoïde réduite de 24 bits à 1 bit, alors qu’autrement on serait à 100% de distorsion.

Comment rendre le dithering moins audible ?

Par défaut, le bruit ajouté par le dithering a un niveau très faible.

Typiquement, on parle d’un niveau inférieur à -100 dBFS.

Toutefois, ajouter du bruit à son master n’est souhaité par personne.

En conséquence, un certain nombre d’algorithmes de dithering, des plus simples aux plus complexes, ont été conçus pour rendre l’effet moins audible tout en maximisant son efficacité.

Lorsque l’on écoute un son à bas volume, on est beaucoup plus sensible aux sons situés, disons, entre 800 et 5000 Hz. Ce sont les fameuses courbes de Fletcher et Munson.

Courbes de Fletcher et Munson
Courbes de Fletcher et Munson (CC BY-SA Oarih)

Bref — en partant de ce phénomène physique, on peut filtrer le bruit de dithering :

  • pour l’atténuer sur les bandes de fréquences sur lesquelles nous sommes plus sensibles ;
  • et au contraire le renforcer sur les fréquences que nous entendons moins facilement.

Ce qui nous donne par exemple un profil de bruit comme ceci :

Exemple de shaping du bruit de dithering

On parle de “noise shaping” — autrement dit de filtrage du bruit.

Comme vous pouvez le voir, dans certaines zones, le bruit de dithering est important, tandis que sur d’autres bandes de fréquences il est bien plus faible.

Résultat : en termes de perception par l’ingénieur du son ou potentiellement par l’auditeur, le dithering est moins audible, mais il joue toujours son effet et est même dans certains cas plus efficace qu’un dithering “plat” comme on a pu le voir dans le paragraphe précédent.

Comment appliquer le dithering durant le mastering ?

Fonctionnalité de dithering au sein du module d'export de Live

Maintenant que vous savez tout ou presque du dithering, reste la question de comment l’appliquer.

Par définition, il ne doit être utilisé qu’une seule fois par morceau : lorsque vous faites l’export final en réduisant le nombre de bits.

Dans la plupart des DAW, vous pourrez utiliser les outils de dithering préintégrés. Ainsi, pour prendre quelques exemples :

  • dans Cubase, le dithering peut être fait via le plugin UV22HR ;
  • dans Ableton Live, les réglages de dithering sont disponibles lors de l’export (cf. image ci-contre) ;
  • idem dans Reaper et dans FL Studio, via des cases à cocher ;
  • dans Pro Tools, des plugins sont inclus pour gérer le dithering ;
  • etc.

Après, notamment si vous voulez aller plus loin et expérimenter un peu avec les différents algorithmes, vous avez l’option de vous orienter vers des plugins d’éditeurs tiers.

De façon un peu surprenante, il n’en existe toutefois pas énormément sur le marché.

Bien sûr, le fameux iZotope Ozone inclut un module très puissant pour cette tâche :

Le module de dithering d'Ozone

Mais si vous souhaitez un outil vraiment dédié, je vous recommande de vous tourner vers PSP X-Dither, qui est très efficace et facile à utiliser :

Le plugin de dithering PSP X-Dither

Dans les faits, ceci dit, les fonctions intégrées à votre DAW suffiront dans 99% des cas.

En conclusion

Voilà, vous avez maintenant tout compris sur ce qu’était le dithering et à quoi il servait.

N’oubliez pas les deux points les plus importants :

  • surtout, n’appliquer le dithering qu’une seule fois par morceau
  • et uniquement lorsque vous réduisez la résolution en bits.

Cliquez ici pour continuer à lire mes articles sur le mastering.

Commentaires (15)

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Jean / Répondre

Dommage que le seul commentaire vienne d’un incompétent (moi !) : mais bravo à vous, j’épluche tous vos conseils, très bien rédigés, très clairs, même pour un vieux débris de 65 ans qui, pris d’affection pour un petit ensemble baroque, s’est lancé dans la prise de son en concert pour leur fournir des outils de travail, de réflexion, etc.. et s’est pris au jeu !!! Oui, je suis hors-sujet, mais il y a tellement de bons conseils sur votre site, que cela dépasse bien entendu le champ du home-studio. Notamment pour… l’après (post-traitement) ! Je me suis bien entendu passionné pour cette partie du travail, et aujourd’hui, je me retrouve à enregistrer les parties (simples, grand orgue seul) pour leur 3ème CD (soyez rassuré, pour la grande partie Ensemble de 7 personnes, ils ont un vrai pro !). Je me suis déjà entendu avec lui pour fournir les fichiers “au bon format” (24 bits/ 48kHz), ce que j’avais déjà anticipé, mais je m’interrogeais sur les problèmes* qui surviennent lors de la conversion en 24 bits/44 kHz. * d’où l’intérêt pour le dithering.
Sinon, il m’indique qu’il travaille en format AIFF, je ne pourrai lui fournir que des fichiers Wave puisque j’enregistre avec un ZOOM F8n. Je pourrais bien entendu lui convertir cela en AIFF, mais j’ignore la qualité de la conversion de mon logiciel (Adobe Audition) sur iMac…

Avez-vous spécifiquement traité les problèmes de phase ? (j’ai cherché, sans doute mal…)
Sinon, une question (hors-sujet) : je cherchais des conseils pour enregistrer les voix en baroque (/classique) en concert, donc pas possible de mettre des encombrants micros à large membrane, etc… et budget bien entendu limité… Curieusement, toutes mes recherches n’aboutissent pas vraiment, car tout le monde parle des SM58 (mais rien à voir en chant baroque où le micro reste à bonne distance de la soprano…), mais troué de réponse spécifique.
Pour l’instant, j’ai essayé avec un LineAudio CM4… pas vraiment prévu pour ça.

Surtout, merci pour votre site d’une très grande clarté,
Jean

Adrien Administrateur / / Répondre

Merci beaucoup pour ce message 🙂
Le format AIFF est lossless, donc sans perte. Aucun soucis pour faire la conversion (tant que le logiciel de conversion est de bonne qualité quoi).
Non, pas encore d’article sur les problèmes de phase, mais j’en parle dans la formation que j’ai sortie récemment.
Justement, les CM4 sont souvent utilisés pour la musique classique, donc pourquoi pensez-vous qu’il ne serait pas adapté pour reprendre le chant 🙂 ?
Adrien

Jean / Répondre

Pardon, rectification, bien entendu les fichiers seront convertis en 16 bits/44,1 kHz (et non 24 bits/44,1 kHz) comme j’ai (mal) écrit…

Jo / Répondre

Bonjour et merci pour votre site qui est une mine d’informations pratiques. Si j’ai bien compris l’article, il n’est pas nécessaire d’activer le dithering avant le phase de mastering. Et donc le désactiver pendant la prise de son et le mixage. C’est bien ça ? Car dans mon Bandlab, il est toujours sur triangualaire. Merci.

Adrien Administrateur / / Répondre

Bonjour,
Merci beaucoup !
“il n’est pas nécessaire d’activer le dithering avant le phase de mastering” => non, tant qu’il n’y a pas de réduction de bitrate.
Adrien

Éric Lavoie / Répondre

Merci beaucoup encore une fois plus qu’un article, c’est une formation et très bien ficellé!

Éric Lavoie

Jilou / Répondre

Merci pour les conseils; je me suis abonné à la newsletter. J’utilise Reaper et j’espère améliorer mes futures productions. Pour voir ce que je fais, c’est sur Telegram ici : t.me/jilouposeymusicnews

Arnaud / Répondre

Bonjour Adrien, je suis assistant-ingé son de formation. J’ai trouvé ton article vraiment très intéressant et c’est vrai que le dithering n’est pas une chose sur laquelle on se penche forcément.
J’ai 2 questions à te poser, si tu veux bien y répondre.

Dans Ableton Live, si je dois exporter un titre mixé pour le faire masteriser, quand je fais l’export, est-ce que je dois mettre “No Dither” dans le réglage d’exportation (il y a 5 options de dithering je crois) ?
Vu que le dithering est utilisé en fin de chaine de production, forcément au mastering donc si j’ai bien compris. J’ai déjà sorti un album mais je ne me suis pas penché sur cette question. L’ingé-son avait fait son taf.

Ma 2 ème question concerne des pistes audio de 2 titres qui avaient été enregistrées pour une demo, que j’ai finalement trouvé assez bien pour être utilisées dans un EP. J’ai eu la mauvaise surprise de voir qu’elles avaient été malencontreusement enregistrées en 48 000 hz / 16 bits.
L’ami qui avait enregistré était persuadé d’enregistrer en 48 000 hz / 24 bits.
Je sais que la norme la plus utilisée en studio professionnel est 48 000 / 24, et ça tend maintenant de plus en plus vers des niveaux plus élevés. Je connais les raisons concernant le noise floor.
Est-ce que les pistes que je voulais utiliser pour l’EP sont inutilisables du coup ?
Je précise que toutes les pistes, que ce soit Drums, Synthés analogiques, Guitare électrique, Voix…
tout a été enregistré en 48 000 hz / 16 bits… J’ai peur concernant le noise floor.
Et j’ai converti toutes ces pistes en 24 bits. Je sais que ça ne change rien par rapport à l’enregistrement initial, mais j’ai voulu, par avis de conscience, remettre à la norme, tel que ça aurait dû être fait.

Merci d’avance !

Adrien Administrateur / / Répondre

Bonjour,
Pour moi pas besoin de dithering pour exporter le fichier avant mastering car on en va pas réduire la résolution en bits. Le dithering n’est utile que lorsqu’on abaisse la résolution lors de la conversion (par exmeple de 24 à 16 bits).
Pour la deuxième question, objectivement si tu n’entends pas de problème, je pense qu’il n’y en a pas. C’est pas idéal, mais de là à ne pas utiliser le morceau… 🙂
Adrien

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